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L'absinthe, la Fée verte, la Bleue, l'alcool qui rend fou, poison…rarement alcool, vin, apéritif ou liqueur aura soulevé autant de passions de débats et de controverses. Les articles, les conférences, les communications et les ouvrages traitant de l'absinthe, en disséquant les avantages et les inconvénients, en soulevant les méfaits et les bienfaits, n'ont pas manqué non plus, surtout lors de son interdiction.

Les passions déchaînées quand est tombée la loi fatale se sont depuis fortement calmées, et le phénomène appartient désormais plus à l'histoire, à celle des Arts et Traditions Populaires, à celle de Pontarlier et de son économie ; même si l'absinthe est récemment redevenue à la mode avec la mise sur le marché de nouveaux produits à base d'absinthe (apéritifs et spiritueux) respectant la législation en vigueur. L'histoire de l'Absinthe est, avec celle des usines automobiles Zedel, une des réussites économiques pontissaliennes et une catastrophe, puisque l'absinthe est interdite de fabrication et de consommation en 1915 et que les usines Zedel abandonnent Pontarlier un peu plus tard pour émigrer en région parisienne.

Apparue dans le Val de Travers, en Suisse, sous la Révolution avec des relents de médecine et d'alchimie, l'absinthe devait envahir l'Europe aussi rapidement et efficacement que les grandes épidémies ou que les grandes découvertes.

Elle ne devint pontissalienne qu'en 1805 avec la Maison PERNOD. Et pourtant, elle n'était pas une création de l'ère industrielle naissante puisque l'antiquité romaine, grecque et même égyptienne lui reconnaissait déjà des vertus thérapeutiques ; au Moyen-Age et à la Renaissance, on l'utilisait aussi sous différentes formes pour soigner certaines maladies et affections ; mais il est vrai qu'il s'agissait alors de la plante et non de la liqueur ! Alcool et tisane ne rimaient pas encore vraiment. Le docteur Ordinaire lui-même prescrivait cet élixir d'absinthe à ses patients du Val de Travers (en Suisse) en guise de médication.

 
Crédit photo AMP
 
Crédit photo AMP

C'est donc bien le XIXème siècle qui a conjugué absinthe et alcool et le XXème siècle, pour diverses raisons, a tordu le cou à cet élixir miracle, hypothétique muse, ascenseur pour des Paradis artificiels ou antichambre des célèbres hôpitaux psychiatriques de Charenton.

Apéritif aux vapeurs envoûtantes et magiques ( la Fée Verte ), l'absinthe est plus qu'une boisson alcoolisée, c'est le symbole de toute une civilisation, d'une époque ; ce fut un phénomène de société, un moment de notre histoire, touchant toutes les couches sociales, du petit peuple à la grande bourgeoisie, les hommes comme les femmes, les civils comme les militaires.
Les poètes, les écrivains et les peintres l'ont immortalisée et elle fut un sujet de débats houleux et passionnés jusqu'à la Chambre des Députés qui votèrent son interdiction en 1915, malgré les interventions des distillateurs, de quelques parlementaires, et, en particulier de celle du Député de Pontarlier, Girod. L'interdiction de l'absinthe se fit, en fait sans trop de remous, la France étant plongée alors dans la Première Guerre Mondiale.

Et on ne peut s'empêcher de souligner ces curieuses incohérences qui font l'histoire : on bannissait l'absinthe sous prétexte qu'elle tuait le genre humain, alors qu'au même moment des dizaines de milliers d'individus se faisaient hacher les boyaux dans des conditions horribles ! Cette intediction de l'absinthe fut pourtant un coup très dur pour l'économie pontissalienne et pour l'arrondissement tout entier, même si, en 1915, bon nombre d'industries s'étaient reconverties en industries de guerre.

Il ne s'agit pas là de savoir si l'interdiction de l'absinthe fut une leçon de sagesse ou une erreur, mais en retraçant une petite partie de l'histoire de la Fée verte éliminée du Panthéon des alcools par de bons ou de mauvais génies, de rappeler un peu l'histoire de Pontarlier pendant les "années d'Absinthe".
Joël GUIRAUD
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